Ce sont le drame du Rana Plaza et ses 1 100 morts, au Bangladesh le 24 avril 2013 qui, créant un électrochoc, ont motivé les rédacteurs de la loi. Ce bâtiment abritait des usines textiles de sous-traitants et de fournisseurs de grandes marques textiles européennes, lesquelles cautionnaient ainsi (car pas assez vigilantes) les conditions de travail dangereuses et déplorables sur les chaînes de production. Un an après la loi Sapin 2 sur l’anti-corruption, la loi sur le devoir de vigilance donne davantage corps à la notion de « compliance » (conformité, en français), qui peut être comprise comme le souci d’agir avec éthique et responsabilité. Le devoir de vigilance rejoint ainsi la thématique RSE.
La loi sur le devoir de vigilance du 27 mars 2017 renforce la responsabilité sociétale des grandes entreprises françaises en instituant un « réflexe probité ». Réflexe gravé dans le marbre du code du commerce, dans son article L.225-102-4. En tant que donneuses d’ordres, les entreprises et leurs filiales doivent veiller à ce que, à aucun moment dans la chaîne de valeur, il y ait atteinte aux droits humains et à l’environnement. Elles doivent aussi prévenir les risques de corruption, tout au long de leur chaîne d’approvisionnement et pas simplement au dernier échelon. Pour cela, elles doivent élaborer un plan de vigilance.
Le plan de vigilance est une obligation juridique, introduite par la loi française de 2017, qui demande aux grandes entreprises multinationales de présenter dans un document la manière dont elles s’organisent pour veiller à ce qu’il n’y ait pas atteinte aux droits humains et à l’environnement tout au long de leur chaîne d’approvisionnement. Le plan de vigilance prévoit plusieurs mesures-types.
Sont concernés les entreprises et groupes d’entreprises qui emploient deux années consécutives plus de 5 000 salariés en France ou plus de 10 000 en France et à l’étranger.
Le plan de vigilance demandé par la loi prévoit 5 mesures :
Un rapport remis au ministre de l’Economie en 2020 dressait le constat que cette loi s’avère utile pour promouvoir et renforcer la responsabilité des entreprises en France et dans le monde, au travers de leur réseau de filiales, partenaires et sous-traitants. Mais, si certaines entreprises ont réalisé de réels progrès, en allant jusqu’au boycott et la rupture de relations commerciales avec des partenaires historiques, d’autres en font une application insatisfaisante. Il faut dire que les plans de vigilance établis s’avèrent très différents d’une société à une autre, tant les objectifs de la loi sont vastes et imprécis.
La loi est aujourd’hui invoquée devant les tribunaux, pas toujours avec succès, lorsque des ONG veulent faire cesser des projets controversés impliquant les communautés locales et un impact écologique, notamment dans le domaine pétrolier. Dans ces cas-là, la responsabilité de la société mère ou de l’entreprise donneuse d’ordre est recherchée – et le cas échéant établie – sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun. Il faut alors établir une faute, un dommage et un lien de causalité entre cette faute et ce dommage. Autrement dit, il prouver que l’absence d’un plan de vigilance ou l’absence de mise en œuvre effective de celui-ci est la cause du dommage survenu.
De fait, les sociétés concernées doivent anticiper constamment de nouveaux risques. Car le simple fait de ne pas les avoir identifiés peut engendrer sa condamnation à des dommages et intérêts. En tant que responsable des achats, au siège ou en filiale, vous êtes la vigie de ce nouveau dispositif ! Vous pouvez vous aider de lanceurs d’alerte en interne. L’enjeu est grand : un dommage qui aurait raisonnablement pu être évité peut engager la responsabilité civile de votre entreprise. À la clé, des sanctions financières pouvant atteindre 10 000 euros. On n’est jamais trop prudent quand on est vigilant !
La loi française sur le devoir de vigilance a fait école en Europe : un projet de directive européenne, dite CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), est à l’étude pour dupliquer la mesure aux 27 pays de l’UE, en abaissant les seuils d’assujettissement et en lien avec la directive sur le reporting de durabilité (CSRD). Un premier texte est sur la table en 2023.