ISO Survey : pourquoi le décrochage français sur la qualité est inquiétant
France, où est ta qualité ? A croire le dernier recensement proposé par l’Organisation internationale de normalisation (ISO, sur la base des chiffres remontés par divers organismes certificateurs dans le monde), les entreprises françaises se montrent toujours aussi désireuses d’afficher qu’elles font de la qualité une priorité. En effet, le nombre de certificats ISO 9001 actifs au 31 décembre 2022 atteint des valeurs proches des années précédentes : 21 880 au total dans l’Hexagone, exactement la même quantité qu’en 2020. Un certificat couvre en moyenne 2,8 sites, en premier lieu des sites abritant une activité métallurgique. Rappelons que l’ISO 9001 est la norme volontaire proposant des lignes directrices pour déployer un système de management de la qualité (SMQ).
A regarder de plus près, tout n’est pas rose dans la France de la qualité. D’abord parce qu’en restreignant l’échantillon aux organismes certificateurs qui ont remonté leurs chiffres à la fois en 2022 et en 2021, le nombre tombe à 21 653 certificats actifs, soit 1 % de moins d’une année sur l’autre. Cela signifie que les certificateurs traditionnels voient leur portefeuille de clients s’éroder, alors que le management de la qualité se pense en amélioration continue, motivant les entreprises à renouveler leur certification tous les trois ans, sans sauter d’échéance.
6 000 nouveaux certificats ISO 9001 en Allemagne
Ensuite, parce qu’au niveau mondial, le parc de certifiés ISO 9001 n’est ni en stagnation, ni en légère baisse, mais en hausse nette de 12 %. 1 265 216 certificats ISO 9001 étaient actifs sur la planète au 31 décembre 2022. Une petite moitié le sont en Chine : 551 000 ; un chiffre à ramener à 531 000 à échantillon constant. Mais c’est tout de même 27 % de plus qu’au 31 décembre 2021, avec cette particularité que grosso modo, un certificat chinois vaut pour un seul site, et non plusieurs. Pékin a porté à bout de bras la nouvelle norme ISO 10010 d’août 2022 sur la culture qualité, ce n’est pas innocent. Des pays acculturés au management de la qualité façon ISO 9001 comme l’Italie, l’Espagne ou le Royaume-Uni connaissent eux aussi une stagnation, mais les 6 000 nouveaux certificats gagnés par l’Allemagne (à échantillon stable) n’incitent-ils pas à parler de complexe français ? La France, 10e au classement ISO 9001, au même niveau que le Brésil…
Enfin, on peut aussi parler de retrait pour ISO 9001 au regard de l’évolution des certificats basés sur d’autres normes de management : la hausse est franche sur les référentiels ISO 27001 (sécurité de l’information), ISO 45001 (santé et sécurité au travail), ISO 50001 (management de l’énergie) et ISO 13485 (dispositifs médicaux). Même des référentiels plus éprouvés comme l’ISO 14001 (management de l’environnement) et ISO 22000 (sécurité des aliments) ne sont pas aussi atones. Etant entendu que des référentiels comme ISO 27001 ou ISO 45001 sont récents et bénéficient donc de l’effet nouveauté : + 45 % pour ISO 45001 en France et + 29 % dans le monde, par exemple. « En France, le contexte règlementaire a facilité l’émergence de l’ISO 27001 en imposant ou en recommandant son application pour certains acteurs-clés et leurs prestataires informatiques : décret HDS, RGPD, loi sur la facturation électronique, NIS2, etc. A coup sûr, le millième certificat a déjà été délivré en France en 2023 », note Brice Gilbert, expert du sujet pour AFNOR Certification, sans perdre de vue que des pays comme le Japon en sont non pas à 927 certificats ISO 27001 actifs, mais à 7 000.
ISO 9001 : réviser la version 2015 pour donner un nouveau souffle ?
Alors, comment analyser ce décrochage français sur la qualité ? On ne peut nier un certain essoufflement depuis que la norme vit dans sa version de 2015, une version élaborée il y a déjà huit ans. Les dernières velléités de la mettre à jour datent de 2021 et ont échoué, bien qu’un nouvel élan surgisse actuellement, comme AFNOR vous l’expliquera le 9 octobre. En France, se pose aussi la coexistence de la « marque » ISO 9001 avec les référentiels qualité sectoriels, comme l’EN 9100 dans l’aéronautique, l’ISO 19443 dans le nucléaire et l’IATF 16949 dans l’automobile, même si des équivalences existent avec la norme générique. Vincent Blache, expert du sujet pour le groupe AFNOR, pointe plutôt du doigt une limite culturelle : « En France, qualité rime encore beaucoup avec produits et technologie, peu avec organisationnel », affirme-t-il. En posant ce constat d’une France de la qualité coupée en deux : « D’un côté, des entreprises qui veulent une ISO 9001 moderne, complète, ouverte sur d’autres notions comme la cybersécurité ou la RSE ; de l’autre, des entreprises qui veulent opérer à l’ancienne, sans sortir du cadre de l’usine. »
Aux frileux comme aux audacieux, on ne saurait trop recommander de télécharger l’étude AFNOR « La qualité dans le monde : mouvements et paradoxes ». « Si la notion de qualité diffère par pays, la qualité de demain se dessine comme devant utiliser différents leviers, chacun de ces leviers permettant aux consommateurs-clients de faire leur propre choix sur ce qui, pour eux, définit la qualité d’un produit ou d’un service », y conclut Vincent Blache.