Acoustique : des normes qui mettent les bonnes pratiques en musique
Reconnues problème de santé publique, les nuisances sonores sont prises de plus en plus au sérieux. Le travail normatif sur la question se multiplie, avec le concours des professionnels et des textes d’application volontaire, pour encourager les bonnes pratiques.
À la maison, au bureau, au restaurant, dans la rue… Le bruit est partout, avec des conséquences parfois désastreuses sur la santé et, par ricochet, sur l’économie. L’exposition commence dès le matin, avec le début de la journée de travail. Dans les grandes entreprises, les pratiques ont fortement évolué ces dernières années. Les contraintes immobilières et la volonté de créer des modes de travail collaboratifs ont conduit à un boom des open spaces. Sur ces plateaux ou bureaux ouverts, la communication est facilitée, mais la confidentialité et la discrétion en prennent pour leur grade. Et le coût social s’envole : entre les difficultés de concentration et les pertes de productivité et les maladies professionnelles induites par le brouhaha, 18 milliards d’euros seraient engloutis chaque année…
NF S31-199 : les bonnes pratiques acoustiques en open space
En pointe sur le sujet, AFNOR propose aux entreprises des référentiels adaptés à chaque situation. Référentiels d’autant plus pertinents… qu’ils sont faits par elles-mêmes. « Plateau de travail, salle de réunion ou espace détente : la perception et la gestion du bruit varient d’un lieu à un autre, détaille Olivier Cartigny, chef de projet AFNOR, qui accompagne les professionnels dans l’élaboration de ces documents. La norme NF S31-199 prend en compte ces différentes situations. »
Ce texte d’application volontaire propose un questionnaire, à réaliser avant ou après des travaux, pour mesurer les attentes des collaborateurs concernés. Et propose des solutions adaptées à chaque lieu. « DRH, maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvres, directions générales… Le référentiel fournit des conseils concrets à tous les services impliqués, poursuit Yoan Le Muet, responsable marketing chez Saint-Gobain et président de la commission de normalisation AFNOR sur l’acoustique au travail.
Par exemple, installer des cloisonnettes sans modifier le plafond ne sert strictement à rien. » Ce document de 2016 pourrait bien connaître une deuxième vie, cette fois à l’échelle internationale, en le portant à l’ISO pour en faire un document partagé par tous les pays, d’ici à 2020.
Cafés, bars et restaurants : bientôt une norme volontaire
Après la journée de travail, place à la détente dans un bar ou un restaurant. Mais le loisir des uns fait le boulot des autres… Serveurs, barmen et cuisiniers subissent une forte exposition au bruit, dans ces lieux où l’ambiance tient une place primordiale. Et entre musique et conversations, la carte peut vite se transformer en menu spécial décibels. Depuis cet été, une commission travaille sur la question. Là aussi, même principe : ce sont les professionnels qui font la norme, pas les pouvoirs publics qui l’imposent. Professionnels de la restauration et du bâtiment, bureaux d’études et INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) participent notamment aux discussions. Vous pouvez encore vous y greffer ! « La présence de tous ces acteurs est importante pour trouver le bon équilibre, résume Yoan Le Muet. D’une part pour limiter l’exposition du personnel, d’autre part pour attirer les clients avec une ambiance, sans les faire fuir. » Objectif de ces travaux : parvenir à un consensus sur les bonnes pratiques à appliquer, et publier une norme dans les deux ans.
Bruit dans les logements : bientôt un guide sur la perception acoustique
Une fois chez soi, la quiétude n’est pas toujours au rendez-vous. Si le référentiel ISO 19488 se penche sur l’acoustique des logements, la commission française a fait le choix de ne pas le suivre : trop restrictif et pas assez adapté à la réalité. Autour d’AFNOR, laboratoires, consultants, industriels et associations défendent un autre parti pris, synthétisé par Pascal Ozouf, président de la commission de normalisation sur l’acoustique dans les bâtiments et responsable acoustique et innovation chez Placo Saint-Gobain : « Pour un même niveau de décibel, le bruit d’un cours d’eau ne provoque pas autant de nuisances qu’un bruit d’autoroute. Nous voulons élaborer un référentiel plus précis et spécifique. »
Le texte, qui devrait voir le jour à l’horizon 2020, vise à inspirer les acteurs de la construction et de la rénovation pour intégrer ces questions à leurs futurs chantiers. « La perception du bruit est très différente d’une pièce de la maison à l’autre, ajoute Sylvie Picherit, cheffe de projet AFNOR, qui anime la commission de Pascal Ozouf. Le ressenti tiendra une place essentielle dans ce texte d’application volontaire, qui pourrait inspirer un texte réglementaire par la suite. »
Bruit des stands de tir : une référence, la norme NF S31-010
Parler de bruit au logement aboutit rapidement à la question du voisinage. Il y a celui qui écoute sa musique à fond, celui qui lance ses machines à laver en pleine nuit, celui qui râle contre le bar bruyant dans la rue en contrebas (encore un bar !)… Mais aussi, plus rarement, celui qui vit non loin d’activités incongrues comme… les stands de tir. Pour ce type d’activités, la réglementation est très stricte, avec des seuils à ne pas dépasser. Au « quoi faire » des pouvoirs publics, la normalisation propose un « comment faire ». « Comment bien réaliser les mesures ?, interroge ainsi Paula Castillo, cheffe de projet AFNOR. Il est essentiel de définir une méthode précise pour parler le même langage, en spécifiant par exemple la position du micro ou la distance d’enregistrement par rapport à la source de bruit. »
Ainsi, depuis 2007, la norme générique NF S31-010, complétée par son document d’application FD S31-160, encadre la méthodologie pour harmoniser et fiabiliser les mesures. Et trancher en cas de conflit… « Nous sommes sur le point de publier la version révisée, élaborée avec des professionnels, la fédération de tir et des associations de riverains, se félicite l’ancien acousticien de la RATP Daniel Brassenx, qui met ses compétences au service de la commission de normalisation animée par Paula Castillo. Elle propose une méthode de mesure qui fasse consensus entre les tireurs (les « bruiteurs ») et les personnes exposées à leurs bruits (les « bruités »). » Un document similaire vient de sortir, appliqué au transport routier de marchandises, sous la référence S31-200 (lire encadré ci-contre).
Protecteurs individuels contre le bruit : la série des normes NF EN 352 révisée
Avec tous ces bruits environnants, le dernier refuge reste… les bouchons d’oreille ! Regroupés dans la catégorie des protecteurs individuels, avec les serre-tête et autres casques, ces petites boules de mousse ou de cire font l’objet de gros travaux de normalisation. « L’enquête publique sur le référentiel NF EN 352-1 s’est achevée mi-septembre, rappelle Matthis Roussel, chef de projet AFNOR, qui a supervisé cette étape. Cette révision doit fixer les nouvelles exigences en matière de sécurité et de protection que devront respecter les fabricants. » Ce projet rejoint la liste des autres normes en révision de la série NF EN 352, commencée à l’été 2017, avec des premiers textes attendus pour publication et homologation à partir d’avril 2019.
En lien avec l’évolution de la réglementation sur les équipements de protection individuels (EPI), ces textes intégreront une nouveauté majeure : le contrôle de la qualité de la fabrication. « Les utilisateurs bénéficieront ainsi d’une meilleure information et d’une meilleure protection face au bruit », se félicite Nicolas Trompette, chef du laboratoire d’acoustique au travail de l’INRS, l’un des membres de la commission. Des bouchons d’oreille aux camions de livraison en passant par les stands de tir et les restaurants, AFNOR est bien le chef d’orchestre de multiples commissions où les professionnels que vous êtes pouvez accorder vos violons… et au final composer une belle symphonie normative.
NF S31-200, pour mesurer le bruit des camions de livraison
Publiée le 1er octobre 2018 après six années de discussions, la norme volontaire NF S31-200 fixe la méthodologie pour mesurer le bruit des activités de livraison par transport routier. À quelle distance positionner le micro de la source de bruit, comment l’orienter… Le texte propose un mode d’emploi dans toutes les situations : en route, en stationnement, en arrêt livraison. Le texte s’adresse aux utilisateurs de ces véhicules, pour les aider à se mettre en conformité avec les seuils réglementaires imposés. Et mieux cerner l’impact de leur activité sur l’environnement sonore.
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