Chanvre : les travaux de normalisation sont sur les rails

Un comité technique composé de fabricants et de distributeurs de produits à base de CBD se réunit depuis un an sous la houlette d’AFNOR. Objectif : structurer la filière, en standardisant les méthodes d’analyse et en adoptant une terminologie commune.

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Début des travaux de normalisation sur le chanvre

Quand on vous dit « chanvre » ou « cannabis », vous pensez à quoi ? Pas forcément au cannabidiol, le nom qui se cache derrière l’acronyme CBD ! Et pourtant, c’est lui, et lui seul, qui est en vente libre : on peut le consommer en infusion, sous forme de poudre sèche, en gélules ou en vrac. En applications cutanées sous forme d’huile de massage ; sous forme de bonbons, de liquide pour vapoteuse… Présent dans les fleurs et les feuilles des tiges fleuries du chanvre, le CBD est utilisé comme un moyen de lutter contre les insomnies, l’anxiété, les douleurs chronique. Cependant, les produits contenant du CBD ne peuvent afficher d’allégations thérapeutiques.

En matière de CBD, le besoin de normaliser est venu du terrain et en l’occurrence, d’un syndicat professionnel : l’Union des industriels pour la valorisation des extraits de chanvre (UIVEC), regroupant des PME et ETI des compléments alimentaires et de la cosmétologie. Son président, Ludovic Rachou, a pris la barre des comités techniques constitués chez AFNOR pour mettre au point deux normes volontaires : NF V38-001 (chanvre : vocabulaire) et NF V38-002 (méthodes de dosage des cannabinoïdes dans les extraits de chanvre). « Lorsque des boutiques ont ouvert un peu partout grâce à la levée des freins réglementaires en 2019, il est apparu qu’il fallait harmoniser les pratiques, relate-t-il. Jusqu’alors, par exemple, si vous envoyiez vos produits à trois laboratoires, vous obteniez trois résultats d’analyse différents. La détection et la quantification des cannabinoïdes étaient aléatoires. »

Harmoniser le vocabulaire et les méthodes de détection

C’est ainsi que l’UIVEC a commencé à s’intéresser d’abord à un guide pratique (une AFNOR Spec) avant d’opter finalement pour une norme de la collection NF, avec un tour de table élargi, reflétant l’intérêt général. « Le sujet intéresse les pouvoirs publics, reprend Ludovic Rachou. Et puis, pour les fabricants, la norme peut être un véritable passeport pour l’export : cela vaut le coup d’investir du temps et de l’énergie. De nombreux pays s’interrogent, nous aimerions prendre un coup d’avance. »

Comme souvent en normalisation, la porte d’entrée chez AFNOR est donc la méthode d’analyse et de mesure. Ce fut le cas notamment des métaux rares ou encore des micro-plastiques dans l’eau. La future norme définira aussi une terminologie. Un grand classique, là encore : c’est une étape indispensable pour structurer une filière. « Le but est de disposer d’un langage commun. Il existe de nombreuses appellations commerciales pour les différents types d’extraction », précise le président Ludovic Rachou. L’UIVEC se bat aussi sur le terrain du cannabis médical, qui lui pour le coup n’est pas couvert par la norme.

Défendre les cultures françaises

Ludovic Rachou et le groupe de travail réuni par AFNOR estiment que la future norme volontaire sera « un levier de développement pour leur marché ». « Tout ce qui va dans le sens de l’autorégulation permet de montrer la crédibilité et le sérieux d’une filière. Passer par ces outils fait vraiment la différence. Nous ne sommes pas un groupe d’enthousiastes qui édite des livres blancs », défend-il. En toile de fond, les enjeux internationaux, en premier lieu du côté de la Chine qui commence à s’intéresser au sujet.

« Au fil des échanges, on voit bien que beaucoup de sujets et de sous-sujets apparaissent ; c’est la magie des normes et de la négociation, développe Ludovic Rachou, qui se montre intarissable sur ceux-ci : « Le chanvre et le cannabis ont été utilisés pendant des centaines d’années, pour se vêtir ou pour tresser les cordages des bateaux, d’où le nom de la canebière, à Marseille. Jusque dans les années cinquante, cette plante était inscrite dans la pharmacopée européenne. » Aujourd’hui, la moitié des surfaces de production européennes se situent en France, soit 20 000 hectares. « C’est une plante qui pousse en trois mois, sans engrais, et qui stocke le CO2. Ses usages vont probablement évoluer rapidement », conclut Ludovic Rachou.

La norme est attendue pour la fin d’année 2024. A l’image de la cigarette électronique, où le les professionnels français avaient sollicité AFNOR pour prendre le lead, la future norme chanvre devrait simplifier la vie des professionnels… et des consommateurs.