Comment le changement climatique s’invite dans votre démarche qualité
Au vu de se ses effets de plus en plus flagrants, le changement climatique ne peut plus être caché sous le tapis des comex d’entreprise. Le scénario business as usual n’est plus tenable. En ce sens, le fait que l’Organisation internationale de normalisation fasse ajouter le sujet comme nouveau point de questionnement dans les enjeux et exigences posés par les grandes normes ISO de systèmes de management n’est pas un scoop. Nous en parlions ici au lendemain de la publication de cet amendement.
Pour autant, dans le monde de la qualité, pleinement concerné au sens où l’ISO 9001 fait partie des normes impactées, la mesure n’est pas anodine. « La norme volontaire ISO 14001 questionne l’influence des entreprises sur leur environnement. Avec la version amendée de l’ISO 9001, c’est la logique inverse : comment l’environnement, et en l’occurrence le changement climatique, impactent les organisations », résume Vincent Gillet, secrétaire général adjoint d’AFNOR, fin connaisseur du sujet. Qu’il s’agisse de phénomènes météorologiques extrêmes (une crue soudaine) ou de transformations climatiques plus profondes (une sécheresse qui devient récurrente), chaque semaine ou presque charrie son lot d’événements liés, de près ou de loin, au changement climatique.
Et impacte, de près ou de loin aussi, la performance d’une entreprise. « Prenons l’exemple d’une imprimerie située dans les Pyrénées-Orientales, département qui fait face à une pénurie d’eau depuis plusieurs années, poursuit Vincent Gillet. C’est un bouleversement majeur pour ses activités, puisque les arrêtés de restrictions d’eau limitent sa capacité de production. Sa démarche qualité est directement concernée : sans production, pas de satisfaction client. »
ISO 9001 : identifier les risques
Mais pour autant, une démarche qualité ne va ni faire pleuvoir, ni relancer la production… Alors que faire ? Vincent Gillet répond : « Tout l’intérêt repose sur la continuité de l’activité. En se pliant à l’exercice d’identifier les risques et opportunités demandé par l’ISO 9001, l’entreprise va mieux cerner les menaces qui pèsent sur elle, notamment climatiques, comme une pénurie d’eau dans notre exemple. Elle va donc s’armer, dans une logique d’amélioration continue de ses pratiques. Par exemple en élaborant un plan de sobriété hydrique. »
Dans la région de Beauvais (Oise), Vincent Blache, responsable développement du groupe AFNOR pour les thématiques qualité et performance, a été confronté à une autre conséquence du changement climatique. À la suite d’une crue majeure, tous les locaux d’une entreprise qu’il a auditée ont été inondés, détruisant une partie du matériel et stoppant l’activité pendant de longues semaines. « En s’appuyant sur l’analyse des risques d’ISO 9001, l’entreprise a aménagé des zones de pompage, une nouvelle politique en matière de stock (localisés par exemple chez les fournisseurs), un système de protection des machines et des investissements pour rendre la zone plus imperméable, décrit Vincent Blache. En cas de nouvelle crue, la perturbation de l’activité sera minime ; la satisfaction et la qualité resteront au rendez-vous. » Loin d’être un truc de qualiticien pour les qualiticiens, l’ISO 9001 joue ici un vrai rôle de garde-fou climatique.
Anticiper pour moins subir
Tous les secteurs devraient en prendre de la graine ! En plein été, les canicules à répétition ralentissent, voire mettent à l’arrêt, les chantiers du BTP. Identifier ce risque, c’est adapter ses plannings et mieux anticiper, voire agir directement sur l’environnement avec des matériaux plus isolants et plus responsables. De nombreuses industries doivent aussi revoir leurs stratégies d’investissement. Revisitée avec le volet climat, l’ISO 9001 aide ainsi à percevoir les effets d’une hausse des températures sur les installations de refroidissement, notamment dans les secteurs qui exigent des températures régulées. Quitte, parfois, à repenser ses choix d’implantation !
« La non-décision représente un coût économique, le maître mot reste l’anticipation, souligne Pascal Thomas, auditeur fin connaisseur du sujet au sein du groupe AFNOR, pour les filières aéronautique et automobile en particulier. En cela, le changement climatique est parfaitement légitime à orienter une démarche qualité, avec des outils de questionnement matriciel comme SWOT et PESTEL par exemple. Avec ces méthodologies, un fabricant de pièces de moteurs thermiques saura prendre de l’avance pour se réorienter vers d’autres activités ou modifier sa production, pour fournir d’autres éléments à l’industrie automobile de demain. Toute la chaîne de valeur se retrouve concernée. »
ISO 9001 : identifier les risques
L’autre aspect à prendre en compte concerne les attentes des donneurs d’ordre. Dans le cadre de la directive européenne de 2022 sur le reporting de durabilité (dite CSRD), les grandes entreprises doivent chiffrer, à l’aide d’indicateurs standardisés, leurs émissions de gaz à effet de serre : leurs émissions directes, liées à leurs activités, mais aussi leurs émissions associées et leurs émissions indirectes, celles du « scope 3 », incluant les émissions de leurs sous-traitants. Et l’ISO 9001 toilettée à l’heure de l’amendement climat peut aider ces derniers à montrer patte blanche aux yeux de donneurs d’ordre désormais sans pitié.
« Certains appels d’offres incluent déjà des clauses de RSE, notamment sur le bilan carbone, souligne Erwan Chagnot, délégué régional d’AFNOR en Bretagne. Sans exception, les entreprises doivent engager des actions pour réduire leurs émissions et continuer à décrocher des marchés. L’ISO 9001 permet d’analyser le contexte, structurer une réponse et lancer sa démarche. Pour les organisations les plus matures, et/ou disposant d’un système de management intégré, elles pourront utilement faire le lien avec l’ISO 14001 », la petite sœur de la 9001, poursuit celui qui est aussi auditeur référent sur ce référentiel propre au management environnemental pour AFNOR. Tôt ou tard, ce sont donc bien toutes les entreprises qui devront raccrocher ces enjeux à une démarche qualité. Ne soyez donc pas surpris que la prochaine version de la norme, actuellement en chantier et annoncée pour 2026 (lire ici), mette encore plus formellement l’accent sur le changement climatique ! Et pensez à BAO : pour celles et ceux qui voudraient faire du sujet qualité et climat un sujet à confier à un expert extérieur, le temps d’une mission, le groupe AFNOR vous trouve le spécialiste ès normes près de chez vous.