Demain, les normes seront lues par les machines
Pendant longtemps, les normes volontaires de la collection AFNOR arrivaient sur votre bureau sous format papier. Aujourd’hui, elles sont disponibles sous la forme d’un PDF ou intégrées dans une solution de veille sur abonnement comme CObaz. Autrement dit, ce sont des contenus adaptés à des utilisateurs humains. Dans le monde de l’entreprise et de l’industrie en particulier, il faut donc passer par un œil et un cerveau avant de reprogrammer outils et logiciels afin qu’ils tiennent compte des spécifications présentées dans une nouvelle norme.
Or, les utilisateurs de normes sont en droit de vouloir sauter cette étape. En somme, faire en sorte que les normes soient directement lues et intégrées à leurs outils maison. Cela suppose de les dématérialiser intégralement pour les intégrer aux logiciels métier. Un gain de temps en perspective, mais un chantier titanesque ! C’est tout l’enjeu du projet MARSS, acronyme de « Machine Applicable Readable Standard et Standardisation » : s’affranchir de la démarche manuelle, source d’erreurs potentielles, et transformer la norme en objet 100 % numérique.
Changement des processus et modes de fonctionnement
Tous les acteurs économiques peuvent être intéressés, et en premier lieu les produits manufacturés : construction, automobile, énergie, aéronautique, ferroviaire, électro-technologies, etc. Les laboratoires d’analyse, la robotique, l’intelligence artificielle ou le marketing auraient également fort à y gagner. Le projet est également envisageable pour les grandes normes de management génériques : ISO 9001 sur la qualité, ISO 14001 sur l’environnement, etc. On peut aussi imaginer que les machines-outils sachent un jour intégrer directement le corpus normatif portant sur l’économie circulaire, notamment l’écoconception. Pas d’exclusion, donc, sur les aspects couverts.
Chez AFNOR, une révolution est donc en cours. La démarche est résolument orientée client : à contenu exploitable plus facilement, compétitivité accrue. Oui mais voilà, une telle révolution dans le monde de la normalisation volontaire n’est pas si simple. « Cela implique de revoir la façon dont on conçoit et on construit le produit norme, lance Étienne Cailleau, responsable de projet Transformation numérique chez AFNOR. Cela impacte la façon de créer les normes et de les diffuser, mais aussi la façon de les mettre à jour : le rythme pourrait être accéléré. » Rappelons-le, toutes les normes sont mises à jour régulièrement, en moyenne tous les cinq ans, pour intégrer les innovations techniques et les nouvelles demandes des marchés.
Étienne Cailleau se veut rassurant : « Techniquement, ce n’est pas si compliqué à développer, dit-il. On livrera un accès, le logiciel pourra piocher dans les contenus normatifs. » En revanche, cela demande de revoir complètement le modèle d’affaires, au début du cycle de normalisation, en gardant en tête le consensus à obtenir des parties prenantes dans toute mise à jour de norme. Une transformation extrêmement profonde pour laquelle AFNOR s’investit pleinement aux côtés des organismes européens et internationaux.
Trois questions à Étienne Cailleau, responsable de projet MARSS chez AFNOR :
Quel est votre rôle dans le projet MARSS ?
Je suis chargé de piloter la démarche de transformation numérique qu’implique MARSS pour le compte de deux entités du groupe AFNOR : AFNOR Normalisation et AFNOR Éditions. Cela suppose de dérouler une feuille de route : comprendre le problème et ses enjeux, définir l’organisation, les priorités, les étapes, etc. On questionne profondément notre activité. On attend de moi de permettre à chacun de se projeter dans ce changement profond
Quand ce projet va-t-il voir le jour ?
Le plus vite possible ! Avant 2030, cela paraît indispensable. AFNOR ne ménage pas ses efforts pour fournir des services de plus en plus évolués à ses clients, mais le changement est profond et demande du temps.
Où en sont les autres organismes de normalisation en Europe et dans le monde ?
La France, et donc AFNOR, est dans le peloton de tête sur ce projet. Parmi les pays les plus avancés, on retrouve notamment l’Allemagne (DIN, DKE), la Norvège (SN), le Royaume-Uni (BSI), les Pays-Bas (NEN). Au-delà de l’Europe, les États-Unis, le Japon et la Chine sont présents. Mais l’Allemagne est le pays qui est le plus en avancé. On envisage donc de travailler avec le DIN et le DKE, et potentiellement d’autres organismes européens, pour se doter des infrastructures numériques permettant de livrer ces nouveaux contenus.
Crédit photo : © AFNOR/DR