Joyeux anniversaire ISO 14001 !
Initiée en 1996, la norme volontaire ISO 14001 s’est imposée comme un socle phare partout dans le monde pour bâtir et suivre un système de management environnemental (SME). Vingt-cinq ans après, faut-il se préparer à réviser cette norme au nom de laquelle 19 000 sites se sont fait certifier en France ? Réponse en 2022.
Août 2021 : la loi Climat et résilience fait son entrée dans le corpus législatif français propre à l’écologie. Quel chemin parcouru depuis les années 1990, quand a émergé la prise de conscience environnementale dans la société ! Destruction de la couche d’ozone, protocole de Kyoto, scandales écologiques… A l’époque, le sujet ne fait pas encore les grands titres les journaux, mais du côté des acteurs économiques, les premières réflexions apparaissent sur la nécessité de contribuer à l’effort et de s’organiser, en interne, pour limiter ses propres impacts.
C’est ainsi que naît le concept de système de management environnemental (SME), pendant, côté écologique, des systèmes de management de la qualité (SMQ) qui ont déjà leur propre norme volontaire, ISO 9001. Pour les SME, l’ISO lance ses premiers travaux dès 1991, avec un comité dédié (ISO/TC 207/SC 1, sous animation britannique), dans l’objectif d’élaborer un guide pour qu’entreprises et institutions puissent poser les bases de leur politique environnementale. Chaque pays membre travaille sur le projet, et tous approuvent une version finale du texte en 1996 : c’est la norme volontaire ISO 14001. Reprise en Europe et en France, elle est aujourd’hui commercialisée sous le nom de NF EN ISO 14001 dans la collection AFNOR.
« On ne s’en rend plus compte aujourd’hui, mais quand la première version d’ISO 14001 a vu le jour, la publication avait un caractère hautement innovant, raconte Lina Ismail, cheffe de projet chez AFNOR, qui suit la thématique du management environnemental en lien avec l’ISO/TC 207. Pour la première fois, un référentiel reconnu partout dans le monde fixait des principes fondateurs de développement durable. En évoluant avec son temps, il s’est imposé comme un sésame incontournable. » Avec son temps, c’est-à-dire au fil des révisions : 2004, 2015, et peut-être 2022 ?
ISO 14001, évolutive, moderne, universelle
Vingt-cinq ans plus tard, plus aucun acteur économique ne conteste l’idée qu’il faille s’occuper de ses impacts environnementaux et le démontrer, qu’il s’agisse d’entreprises, de collectivités ou d’institutions. En externe d’abord, pour prouver ses bonnes pratiques face à la concurrence et montrer patte blanche (ou plutôt patte verte) dans les appels d’offres. En effet, nombreux sont les donneurs d’ordres à exiger de leurs fournisseurs, prestataires et sous-traitants la possession d’un certificat attestant que leur SME répond aux exigences d’ISO 14001. En interne ensuite, pour mobiliser ses équipes, créer une dynamique autour d’un enjeu sociétal, mais aussi maîtriser ses risques.
Le constat est clair, comme nous le dressions dans une tribune au printemps 2021 : la norme s’est diffusée au plus profond de l’économie, du CAC 40 aux TPE. « L’une des forces d’ISO 14001 réside dans son aspect universel, confirme Vincent Morisset, président de la commission de normalisation française couvrant ce référentiel. Les entreprises de toutes tailles, de tous secteurs d’activité et de tous endroits peuvent s’y retrouver. Le texte permet à chacune d’identifier et de maîtriser ses impacts sur l’environnement, pour ensuite évaluer la pertinence de prendre des mesures concrètes, dans une logique d’amélioration continue. » « Le point fort de la norme est qu’elle permet d’agréger tous les sujets de l’environnement : CO2, biodiversité, écoconception, énergie, rejet, ressources, etc. », poursuit Béatrice Poirier, cheffe de produit ISO 14001 chez AFNOR Certification.
La grande révision du texte de 2015 introduit un nouveau principe : en plus de l’obligation de moyens que les organisations se donnent en appliquant la norme (elles doivent donc se doter d’un système de management), le texte les oriente vers une obligation de résultats : elles sont maintenant incitées à démontrer que leur performance environnementale s’améliore. « Ce changement de paradigme a considérablement renforcé ISO 14001 », martèle Vincent Morisset.
Une norme qui parle à tous les niveaux de l’organigramme
L’approche en termes de cycle de vie a apporté un nouveau souffle à la norme, qui se diffuse dans toutes les strates de l’organisation : la direction et le responsable qualité ne sont plus les seuls concernés ! « Les managers, notamment ceux sur le terrain, sont en première ligne pour mener des actions concrètes et sensibiliser leurs équipes aux bonnes pratiques. En inscrivant l’environnement au cœur de la stratégie de l’entreprise, ISO 14001 conduit à des actions en profondeur », observe Marie-Hélène Amétrano. En 2019, la France comptait 6 402 certificats ISO 14001 actifs, soit 5 % de plus qu’en 2018 et couvrant près de 19 000 sites. Dans le monde, cette année-là, l’ISO dénombrait plus de 312 500 certificats actifs, contre 308 000 un an plus tôt (source Iso Survey 2020).
ISO 14001, pierre angulaire des certifications environnementales
« Si les labels écologiques se multiplient, ISO 14001 reste de loin le plus parlant, car basée sur la norme la plus appliquée, décrypte Lina Ismail. Cette certification ne tire pas sa légitimité seulement des chiffres, mais bien des repères qu’elle fixe. ISO 14001 a démystifié l’idée qu’une politique environnementale serait l’apanage des grands groupes. Cette norme montre au contraire que toutes les structures peuvent se l’approprier. De nombreuses PME nous sollicitent à ce sujet. »
D’après une étude d’AFNOR Certification de mars 2018, 97 % des entreprises certifiées sont satisfaites d’ISO 14001. Pour 90 % d’entre elles, leur image s’est améliorée et 78 % perçoivent même un gain financier. Pour autant, pas de quoi se reposer sur ses lauriers… Mi-septembre 2021, l’Organisation internationale de normalisation lance une grande consultation auprès des utilisateurs de la norme pour mieux comprendre l’usage, les atouts mais aussi les limites du référentiel. Et voir s’il y a lieu de le réviser, comme en 2004 et 2015. « Une nouvelle révision pourrait permettre d’aller encore plus loin sur certains concepts comme le cycle de vie, estime Marie-Hélène Amétrano. La gestion des ressources et de la biodiversité est au moins aussi importante que la question climatique, il faut être encore plus exigeant sur ces aspects. Mais aussi renforcer les liens avec la thématique RSE et celle de l’économie circulaire, appuyer sur la valeur positive de l’environnement, trop souvent associée à une logique punitive. »
Les résultats de l’étude, attendus en janvier 2022, serviront de point de départ aux débats que chaque pays membre de l’ISO mènera pour voir si une révision est pertinente. La commission de normalisation française lancera aussi cette réflexion autour de ce texte fondateur.