Agrivoltaïsme : les cultures d’abord

Avec le label « Projet agrivoltaïque », AFNOR Certification assure que la pose de panneaux photovoltaïques sur des terres agricoles ne s’effectue pas au détriment des cultures et ne concourt pas à l’artificialisation des sols.

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La pose de volets photovoltaïques sur des terres agricoles

Début janvier 2022, le Sénat a adopté, à une forte majorité, une résolution demandant au gouvernement de mieux encadrer les projets agrivoltaïques. Le texte conditionne leur développement à un engagement : qu’ils donnent la priorité à la production agricole par rapport à la production d’énergie. Depuis, la loi APER du 10 mars 2023 sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables consacre ce principe, en particulier son décret d’application du 8 avril 2024 et les taux maximaux de couverture qu’il édicte.

Mis au point avec les professionnels de la filière et distribué par AFNOR Certification, le label « Projet agrivoltaïque » matérialise cet engagement, apportant une preuve objective que le projet fait encore mieux que le minimum réglementaire.

Inconnu il y a encore quelques années, l’agrivoltaïsme consiste à installer des panneaux photovoltaïques, fixes ou dynamiques, sur des terres cultivées, des vignes ou encore des pâturages. Le foncier étant un bien convoité, ces dispositifs connaissent aujourd’hui une croissance fulgurante en France, à l’origine de dérives inquiétantes. En retard sur son objectif de développement des énergies renouvelables (19 % contre 23 % en 2020), la France s’est engagée à investir massivement dans l’énergie solaire. La programmation pluriannuelle de l’énergie établie sur la période 2019-2028 prévoit ainsi de passer de 10 à 20 gigawatt-crête (GWc) en 2023, pour atteindre 35 GWc à 44 GWc en 2028. À raison d’un MWc par hectare, cet objectif nécessite d’installer des panneaux photovoltaïques sur quelque 30 000 hectares. Après les sites industriels abandonnés (friches, carrières, etc.), aujourd’hui tous exploités, les investisseurs se tournent donc de plus en plus vers les terres agricoles, qui représentent près des deux tiers du foncier dans l’Hexagone.

Photovoltaïque : une spéculation foncière

 

Pour les agriculteurs, il est tentant d’accueillir de tels projets sur leurs terres. En effet, les loyers versés par les énergéticiens sont jusqu’à dix fois plus importants que les revenus agricoles, en baisse constante. Résultat : les prix de ces terrains flambent, empêchant des jeunes agriculteurs de s’installer. À l’artificialisation croissante de ces terres agricoles s’ajoute en outre un risque de perte d’autonomie alimentaire du pays.

En revanche, les installations agrivoltaïques peuvent présenter des bénéfices agronomiques. L’ombrage que prodiguent par exemple les panneaux sur les vignes du sud de la France limite, en été, les températures caniculaires et le manque de disponibilité en eau. En hiver, au contraire, leur présence peut réduire l’impact du gel tardif. Ces structures permettent également de disposer des filets contre la grêle ou certains animaux indésirables (insectes, oiseaux, etc.).

Pour autant, une installation agrivoltaïque ne saurait privilégier l’énergie à l’agriculture. Un décret de 2009 interdit de déséquilibrer l’un pour privilégier l’autre. Cependant, faute de réglementation claire, les contournements sont nombreux. Ainsi, on a vu fleurir des hangars « gratuits » pour les agriculteurs, sous réserve qu’ils autorisent d’y l’installer une toiture photovoltaïque, ou encore des serres couvertes de panneaux solaires, dont les ombres portées rendaient impossible la production du moindre légume…

Agrivoltaïsme : un cadre de référence bienvenu

Depuis, la filière et les pouvoirs publics se mobilisent pour éviter ces dérives. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) impose désormais dans ses appels d’offres que les projets agrivoltaïques répondent d’abord à un besoin agricole, « en permettant une synergie de fonctionnement démontrable ». Une priorité reprise par la jeune association France Agrivoltaïsme, qui regroupe les principaux acteurs du secteur. L’Ademe, l’agence de la transition énergétique, s’est attelée quant à elle à l’étude d’une centaine d’installations agrivoltaïques dont les résultats devraient être dévoilés prochainement.

« C’est dans ce contexte qu’un développeur de projets nous a sollicités : sélectionné dans le cadre du programme des investissement d’avenir (PIA), il devait produire un référentiel technique pour qualifier les projets vertueux garantissant une priorité à l’agriculture », intervient Jérémie Mella, chef de produit chez AFNOR certification. Cela s’est traduit par la création du label « Projet agrivoltaïque sur culture » qui valorise les projets vertueux ayant un impact positif sur la performance agricole. Le référentiel ne fait pas de sélection sur la technologie photovoltaïque : sont éligibles les panneaux fixes ou dynamiques (1 axe ou 2 axes). « C’est le projet qui est valorisé, insiste Jérémie Mella , tout au long de son cycle de vie, de la mise en service à l’exploitation du projet à travers une évaluation multicritères. Il ne s’agit pas d’une application rigide, mais d’une combinaison entre des exigences d’application obligatoire et l’obtention d’une note minimale tenant compte des particularités de chaque projet et de chaque culture. »

Agrivoltaïsme : prévoir des zones témoins

L’audit de labellisation initial évalue les moyens du projet à sa conception. Le projet énergétique doit s’adapter à l’exploitation agricole et lui donner la priorité. Ainsi, le dispositif doit offrir un rayonnement lumineux suffisant pour les cultures. Les ombres portées des panneaux photovoltaïques en système fixe n’occuperont pas plus de 50 % de la surface, et les fondations pas plus de 10 %. « Les systèmes doivent être réversibles », insiste Jérémie Mella. L’implantation des panneaux doit aussi être adaptée à l’itinéraire technique agricole : ils doivent être suffisamment hauts et espacés pour laisser passer tous les engins agricoles nécessaires à l’exploitation.

Ensuite, pour garder le label, le développeur doit appliquer les bonnes pratiques à la construction de la centrale puis à son exploitation. Les engins utilisés pour la construction et la maintenance ne doivent pas tasser les sols ni perturber les productions agricoles. Des zones témoins et des surfaces agrivoltaïques sont suivies régulièrement par des organismes indépendants, afin d’évaluer l’impact du dispositif sur les résultats agronomiques, une mesure reprise dans le décret du 8 avril 2024. On mesure en priorité le volume et la qualité de la production agricole au cours d’une année normale, la capacité du projet à préserver cette production dans des conditions climatiques défavorables, mais aussi les cobénéfices qu’il peut apporter pour l’agriculteur et son environnement. À ce sujet, il est essentiel que l’agriculteur apprenne à piloter le dispositif solaire. Par exemple, il doit être capable de relever les panneaux en position verticale sur une culture de blé pour permettre le passage de la moissonneuse-batteuse.

Le label agrivoltaïque bientôt décliné à l’élevage

Enfin, une évaluation finale sur la performance agricole intervient cinq ans après la mise en culture, avec une étape intermédiaire à trois ans, afin de rectifier le tir si nécessaire. À l’heure des bilans, de meilleurs rendements sont attendus, grâce à la protection qu’offrent les panneaux face aux aléas climatiques. L’installation doit aussi justifier d’une rentabilité économique pérenne et d’un impact environnemental favorable en matière de biodiversité.

À peine instauré, le label est déjà sollicité par plusieurs porteurs de projets agrivoltaïques. Il vient aussi d’être intégré dans les recommandations de la direction départementale des Territoires de la Drôme pour les projets agrivoltaïques sur son territoire. Il est par ailleurs cité dans les travaux d’une mission parlementaire sur le sujet (regarder ici, à la 56e minute). Et devrait devenir rapidement une référence incontournable pour les porteurs de projets, en attendant sa déclinaison aux projets installés sur les surfaces destinées à l’élevage.