Normaliser les sextoys, une partie de plaisir
AFNOR publie la norme volontaire NF ISO 3533 sur les exigences de conception et de sécurité des sextoys. Isabelle Dufossé, directrice générale du retail pour Dorcel, a activement contribué à sa rédaction.
Ils étaient autrefois réservés aux boutiques spécialisées des quartiers chauds, mais aujourd’hui, les sextoys changent peu à peu de statut pour devenir des produits de consommation comme les autres. La différence, c’est qu’ils peuvent entrer en contact avec des zones sensibles du corps et que jusqu’à présent, fabricants, distributeurs et consommateurs, naviguaient dans le flou. Pour que le plaisir soit sans risque, et à la demande du corps médical suédois, les professionnels du secteur venus du monde entier ont mis au point un standard. Ainsi est née la norme volontaire NF ISO 3533 : « Sex toys — Exigences relatives à la conception et à la sécurité des produits destinés à être mis en contact direct avec les organes génitaux, l’anus ou les deux ». Rencontre avec Isabelle Dufossé, directrice générale du retail pour Dorcel, et qui a représenté la France durant la rédaction de cette norme.
Comment cette norme est-elle née ?
Isabelle Dufossé – AFNOR nous a contactés en 2019 pour nous annoncer que la Suède avait initié un projet de norme volontaire pour les sextoys. Le point de départ était une alerte du corps médical, inquiet de l’augmentation des interventions suite à l’utilisation maladroite de ces accessoires ! L’anecdote peut faire sourire, pourtant le sujet est très sérieux. Il faut avoir qu’aujourd’hui, selon une étude en France, 40 % des adultes disent avoir déjà utilisé un sextoy, et 67 % seraient heureux que leur partenaire leur en offre un. Cela représente potentiellement 32 millions d’utilisateurs rien qu’en France, aussi bien chez les femmes que chez les hommes, et pourtant le secteur n’est soumis à aucun standard de qualité et de sécurité !
Concrètement, comment faisiez-vous pour garantir la sécurité des utilisateurs ?
Isabelle Dufossé – Chez Dorcel, nous étions déjà sensibilisés, mais n’avions pas de véritable référentiel. Nous nous imposions nos propres standards et règles de sécurité, mais tous les acteurs ne sont pas aussi précautionneux. Pour créer la norme, nous nous sommes basés sur des normes concernant des objets un peu similaires, par exemple dans le domaine électrique. Si le fabricant est soumis à des normes, le distributeur est rassuré quant à la qualité des produits qu’il vend et la sécurité de ses clients. Et à l’arrivée, l’utilisateur est le premier gagnant parce qu’il a confiance dans ce qu’il achète, comme ce serait le cas avec n’importe quel autre produit de grande consommation.
Qu’est-ce que l’arrivée de cette norme va changer dans ce secteur ?
Isabelle Dufossé – Cette norme volontaire va permettre de faire le tri entre les produits de bonne qualité et les autres. A partir du moment où un produit se revendiquera conforme à la norme NF ISO 3533, il offrira un gage de qualité par rapport aux produits que j’appelle « gadgets » et qui peuvent présenter des risques. Cette norme va volontairement créer un fossé entre les enseignes qui se moquent de ces considérations et celles qui mènent une réelle démarche qualité. Elle va aider les entreprises qui, comme nous, croient en cette valeur ajoutée et veulent s’engager dans des démarches éthiques et durables pour leurs consommateurs.
Quel bilan tirez-vous de votre participation à l’élaboration de la norme ?
Isabelle Dufossé – Nous sommes très contents d’avoir pu participer à sa rédaction. Notre marché devient une « vraie » industrie, au même titre que les autres, il est donc essentiel qu’il se normalise. C’est nécessaire et cela ne peut que servir, et le marché, et le consommateur, pour plus d’information et de transparence.
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