Protéger les mineurs en ligne : oui, c’est possible
A quel âge les enfants mettent-ils le pied sur les réseaux sociaux ? A 13 ans, limite d’âge théorique de certaines plateformes ? A 15 ans, comme l’appelle de ses vœux la nouvelle réglementation française sur la majorité numérique ?
Bien sûr que non. C’est à huit ans et demi, qu’ils s’inscrivent pour la première fois sur une plateforme, selon les données de la CNIL. Face aux risques bien réels qu’ils encourent, un collectif piloté par AFNOR, à l’initiative de la plateforme Yubo, a publié un guide listant des bonnes pratiques pour les protéger.
Ce travail en équipe est important, car c’est le sujet par excellence qui souffre de la dilution de responsabilité. Qui doit protéger les enfants en ligne ? Les parents ? Les Etats ? Les plateformes ? Les jeunes eux-mêmes, appelés à se responsabiliser ? Publié le 23 novembre 2023 et consultable gratuitement ici , le document AFNOR Spec 2305 livre des éléments de réponse. Sharone Franco, directrice juridique et affaires publiques chez Yubo, en donne un aperçu en vidéo ici . Le guide, qui sera bientôt traduit en anglais, est divisé en trois grands chapitres :
- Vérification des comptes
- Détection, modération et signalement
- Transparence et sensibilisation
Il se termine par un rappel complet du cadre juridique. Ce cadre étant très évolutif, une mise à jour du document sur cette partie sera effectuée sous dix-huit mois. Le guide repère un premier écueil : on ne pourra pas protéger les mineurs si l’on ne parvient pas à les identifier. Mais ce n’est pas le seul défi pour les plateformes : il faut aussi être capable de modérer les usages, de signaler au plus vite les dérives, de sensibiliser l’ensemble de leur écosystème ou encore de respecter le cadre réglementaire de leur pays. Un terrain complexe.
Mineurs et réseaux sociaux : le cyber-harcèlement tue
Le défi est donc immense. Et il s’ancre dans un contexte sociétal particulièrement lourd lui aussi, comme l’a rappelé, en introduction d’une rencontre organisée le 23 novembre 2023 à Paris pour présenter le document, Samuel Comblez, directeur des opérations d’E-Enfance (3018), une association reconnue d’utilité publique : « Aujourd’hui, le cyber-harcèlement tue. Il faut le dire comme ça. 20 % des familles sont concernées par ce nouveau risque. Et en tant que psychologue, je peux affirmer que les mineurs ne vont pas bien. Bien sûr, tout n’est pas de la faute des réseaux sociaux, mais on compte 40 % de tentatives de suicide supplémentaires depuis fin de la crise sanitaire du covid-19, chez les filles en particulier. »
Samuel Comblez donne un autre chiffre : « A l’âge de 5 ans et 10 mois, les enfants commencent à aller sur internet avec leurs parents. Un an plus tard, ils y vont tout seuls et sans demander d’autorisation à personne. » Le psychologue s’est réjoui que le groupe emmené par AFNOR, dont il a fait partie, ait réussi en l’espace de huit mois (et « seulement 19 ans après la naissance de Facebook ») à proposer ce premier guide. Dressant un parallèle avec l’automobile, il a rappelé que le permis de conduire, puis le code de la route, avaient fait leur apparition plus de cent ans après les premières voitures. Sans parler des ceintures de sécurité à l’arrière ! « Nous avons réussi à écrire 103 pages très concrètes, avec le groupe AFNOR pour accoucheur », résume-t-il.
AFNOR Spec 2305 : un tour de table représentatif
Une réalisation dont la vocation est de bénéficier à tous les éditeurs de plateformes, au-delà de ceux qui ont mis la main à la pâte (Yubo et Meta). « Ce document nous permettra, à tous, de sécuriser nos métiers. C’était important d’avoir le bon tour de table, a rappelé Sharone Franco, pour Yubo. Nous avons travaillé main dans la main : plateformes, fournisseurs de solutions de sécurité comme Bodyguard, institutionnels, associations. Nous avons tenu compte des progrès technologiques très rapides, en matière d’intelligence artificielle notamment. Ce document est celui que j’aurais aimé avoir entre les mains quand nous avons lancé Yubo. » Parmi les acteurs mobilisés en support : la CNIL et l’ARCOM.
Ce document tombe à point nommé. Le 20 novembre 2023, le comité judiciaire du Sénat américain a convoqué trois dirigeants de plateformes à une audition sur l’exploitation des mineurs en ligne. « La Big Tech a échoué à s’autoréguler, au détriment de nos enfants », a lancé le sénateur qui mène cette fronde. De notre côté de l’Atlantique, l’exécutif européen a annoncé début novembre 2023 deux nouvelles demandes d’informations auprès de YouTube et TikTok, dans le cadre du règlement sur les services numériques (DSA). Les deux plateformes doivent répondre sur les mesures qu’elles ont prises pour protéger les mineurs, en particulier concernant leur santé physique et mentale.
Les contributeurs
AFNOR – BODYGUARD – DAILYMOTION – E-ENFANCE – META – MYM – POINT DE CONTACT – RESPECT ZONE – SORARE – TRALALERE – YOTI – YUBO