Comment la RSE déborde sur les fonctions RH et qualité
Le thème de la RSE a pris une nouvelle dimension avec le vote de la directive CSRD sur le reporting de durabilité, fin 2022. La performance extra-financière d’une entreprise va être mesurée de manière aussi rigoureuse et détaillée que la performance financière. Un exercice qui va exiger de la méticulosité, au moins autant que pour un process qualité ! Au-delà de cette actualité, c’est un fait : à force de prendre de l’ampleur, la thématique de la responsabilité sociétale n’est plus l’apanage du responsable RSE et déborde sur d’autres fonctions stratégiques du top-management : la fonction qualité donc, mais aussi les ressources humaines. Deux études diligentées par le groupe AFNOR en 2022 mettent cette tendance en évidence. La première, téléchargeable ici, a été menée auprès de 700 décideurs qualité avec l’institut BVA. La seconde, téléchargeable ici, interroge un millier de décideurs RH des secteurs public et privé.
Performance et transparence
En quoi qualité et RSE sont-elles liées, et en quoi un ou une chief quality officer peut-il se couler dans l’habit du chief sustainability officer ? « Ce qui fait le lien entre les deux sphères, ce sont les notions de performance et de transparence, résume Karine Georges, responsable des études pour le groupe AFNOR. La notion de qualité est fortement déterminée par la satisfaction client. Or aujourd’hui, un client n’est plus seulement satisfait par le rendu du produit ou du service qu’il a acheté. Il l’est désormais aussi par le fait que l’entreprise lui renvoie des valeurs et un comportement conformes à des principes, sans rien dissimuler. » Le responsable qualité doit donc intégrer ces attentes. « Le défi pour la qualité, c’est que tout ce qu’on dit doit pouvoir être justifié. Il ne s’agit pas juste d’écrire sur un pot ‘fabriqué avec le lait de nos éleveurs’, encore faut-il que ce soit la vérité et qu’on soit capable de le prouver », restitue dans l’étude un qualiticien du secteur agroalimentaire. Le responsable qualité est donc embrigadé dans l’aventure en tant que spécialiste de la preuve. Au sein du groupe AFNOR, c’est le cas : c’est le département qualité qui pilote la démarche RSE. La thématique est bien identifiée de la fonction. Dans notre étude, les décideurs qualité citent la RSE en 3e position des enjeux d’aujourd’hui et de demain, après la transition écologique (qui en est un pan) et l’automatisation.
La RSE, enjeu d’aujourd’hui et de demain pour les décideurs qualité
La PME iséroise Paturle Aciers a, elle aussi, coulé la RSE dans le laminoir de la qualité. Céline Marotte, la responsable QSE, rend compte de la démarche à la direction générale, qu’elle a formée au sujet. Elle confirme que la transparence est la notion qui fait le lien entre les deux univers, mais en propose un autre : « La version 2015 de la norme ISO 9001, qui, en épousant une structure commune aux autres grandes normes de systèmes de management, invite à voir plus loin que la relation client et à étendre la notion de satisfaction aux autres parties prenantes : fournisseurs, partenaires territoriaux, collaborateurs. On arrive alors sur les questions d’éthique, de sens, de confiance, et on balaie les trois piliers de la responsabilité sociétale : l’environnement, le social et le territoire », explique-t-elle.
Dans cet esprit, le responsable qualité en vient aussi à jouer un rôle en tant que pilote du changement : « La majorité des entreprises sont en train de se transformer (…). Il s’agit de voir comment le département qualité peut accompagner cette stratégie de transformation pour aider et formaliser ces transformations et faire en sorte de solidifier les bonnes pratiques », restitue dans l’étude un qualiticien du secteur informatique. Un mouvement qui embarque aussi la DRH ! « Quand l’entreprise change de modèle, ce qui est le cas avec les injonctions de RSE, c’est le rôle de la fonction RH que d’accompagner ces changements, d’adapter les compétences et les métiers, explique Damien Monier, directeur des ressources humaines, de la RSE et du patrimoine – triple casquette ! – de l’entreprise Paredes, spécialiste de l’hygiène professionnelle. Les collaborateurs d’un service patrimoine immobilier, par exemple, doivent aujourd’hui raisonner économies d’énergie, réutilisation de l’eau. Les spécialistes du marketing doivent non plus vendre un produit, mais son usage, la façon dont il a été conçu et dont il sera valorisé en fin de vie. Autant de nouvelles compétences à acquérir. »
Attractivité et marque employeur
Autre aspect qui vaut aux fonctions RH de verser dans la RSE : les questions d’attractivité et de marque employeur. « Une entreprise qui n’afficherait pas de RSE se mettrait hors course sur le marché de l’emploi, assène Damien Monier. Les candidats, mais aussi les partenaires extérieurs et les collaborateurs en interne, attendent qu’elle donne du sens, de la considération, de l’exemplarité et des bonnes pratiques. » Cela touche donc au climat social, et le climat social, c’est le terrain de jeux de la fonction RH. Résultat : celle-ci se retrouve au centre des enjeux de RSE, en plus d’être naturellement en première ligne sur les sujets de qualité de vie au travail, si on veut bien les rattacher à la grande galaxie RSE. Pour autant, l’étude AFNOR montre que la thématique RSE stricto sensu n’arrive que 13e dans le top 15 des sujets RH jugés importants aujourd’hui. Et même avant-dernier dans la liste de ceux auxquels l’organisation accorde des efforts, liste dominée par l’item « conduite du changement et nouveaux modes de travail ». « Les décideurs que nous avons interrogés sont unanimes pour dire que la RSE est un sujet relevant de la sphère RH, mais aussi qu’ils aimeraient en faire davantage, faute de pouvoir dégager du temps à côté des fondamentaux du métier que sont les questions de santé, de sécurité, de paie ou d’instances représentatives du personnel », analyse Karine Georges.
Les sujets RH notés de 1 à 10 selon l’importance donnée aujourd’hui
La preuve : 55 % estiment que les services RH doivent contribuer, au même titre que d’autres dans l’organigramme, à la politique RSE de l’entreprise, contre 22 % estimant que ce doit être l’apanage d’une mission dédiée, rattachée à la direction générale (9 % revendiquent même que ce soit porté par la DRH et rien qu’elle). « Les DRH sont en première ligne des enjeux de RSE. Ils se retrouvent aux commandes pour tout ce qui concerne le pilier social », conclut Olivier Graffin, coordinateur santé, sécurité au travail et développement durable pour le groupe AFNOR, dans une interview au média Parlons RH. C’est l’occasion de mettre sur le devant de la scène ce pilier souvent éclipsé par le pilier environnemental, mais tout aussi important.