Systèmes de management de l’énergie : l’union fait la force
Six mois après la présentation du plan « France Relance », dont l’un des volets promeut l’industrie bas-carbone, le gouvernement a annoncé les premiers lauréats du dispositif « Chaleur biomasse ». Ainsi, le groupe Bel va installer à Evron (Mayenne) une chaufferie biomasse de 6,6 MW pour alimenter sa fromagerie. Comme tous les autres candidats, la société a porté seule ce projet. Mais c’était avant l’adoption de la nouvelle norme ISO 50009. Désormais, si elle le désire, toute entreprise, quelle que soit sa taille, dispose d’un outil lui permettant de s’associer en toute transparence avec d’autres organismes voisins pour monter des projets communs d’économie d’énergie et de réduction de l’empreinte carbone. Objectif : gagner en efficacité par l’amélioration du système global, tout en partageant les coûts de fonctionnement et d’investissement. Et atteindre plus rapidement les objectifs de performance énergétique et environnementale d’un territoire.
L’idée est née au Japon, après l’accident nucléaire de Fukushima il y a dix ans, et la fermeture du parc de centrales atomiques de l’archipel. Pour tenter de combler cette chute de la production d’électricité, plusieurs organisations, soutenues par le ministère de l’Environnement, ont lancé plusieurs projets énergétiques communs : la ville de Sapporo, par exemple, a mutualisé cette démarche sur 550 bâtiments publics et privés (bureaux, centres commerciaux, hôpitaux, écoles). Malgré la défiance de certains et les difficultés rencontrées, la mise en commun a produit des résultats notables, l’efficacité énergétique s’est améliorée de 20 % en moyenne et jusqu’à 60 % au maximum. Les mêmes effets positifs ont été constatés sur toute la chaîne d’approvisionnement d’un grand fabricant de climatiseurs, et sur celle d’une enseigne de la grande distribution.
ISO 50009 : faciliter la collaboration
Fort de ces réussites, le Japon a proposé en 2016 à l’Organisation internationale de normalisation (ISO) la création d’un nouveau guide de recommandations pour la « mise en œuvre d’un système commun de management de l’énergie dans les groupements d’organismes » (ISO 50009). L’application (facultative !) de cette norme non certifiable suit le cheminement habituel d’un système de management de l’énergie (SMé) défini dans l’ISO 50001 : état des lieux initial, définition d’un périmètre et d’un domaine d’application, puis fixation des cibles, avant la mise en œuvre d’un plan d’action. « Au-delà de cette démarche bien connue, reconnaît Sylvie Fernandez, cheffe de projet normalisation transport et énergie à l’AFNOR, cette nouvelle norme fournit les clés pour s’organiser de manière collaborative afin de construire un projet d’envergure d’amélioration de performance énergétique. »
« Le point-clé de cette méthodologie est la mise en place préalable d’une gouvernance adaptée entre des organismes ayant des intérêts communs, complète Bertrand Walle, président de la commission de normalisation AFNOR, qui a porté des avis sur le projet de norme au nom de la France. Il s’agit de définir ensemble les règles de fonctionnement du groupement : désigner l’organisation leader, les ressources mises en commun, la répartition des investissements, la gestion du risque dans le temps, etc. » Une étape préliminaire essentielle pour éviter tout malentendu qui pourrait s’avérer fatal. Anticiper, par exemple, le retrait ou la faillite éventuelle d’un organisme en raison des incertitudes économiques…
SMé commun : préserver un espace de liberté
Autre précision importante : un SMé commun se limite à son seul objet. « Si le projet du groupement porte sur la création d’une chaudière biomasse, le périmètre du SME commun et le partage des ressources selon la norme ISO 50009 ne s’intéresseront qu’à cette seule action », insiste Sylvie Fernandez. Bref, les autres organismes du groupement ne viendront pas s’immiscer dans le reste du périmètre de votre propre SMé, où vous resterez seul maître à bord.
La norme s’applique à des groupements d’entreprises industrielles, tertiaires ou de services, des collectivités territoriales, des associations… « Les organismes n’ont pas besoin d’être tous au même niveau de savoir-faire en matière de SMé, souligne Bertrand Walle. L’entreprise leader, habituée à piloter l’énergie, va entraîner les autres participants, les aider à s’améliorer, en partageant par exemple une équipe de spécialistes. »
Aucune limite non plus dans la nature des projets collaboratifs. Vous pouvez choisir de récupérer la chaleur fatale dans l’industrie ou installer une production d’énergie renouvelable (ferme solaire, chaudière biomasse, éolienne…), mutualiser l’éclairage d’un ensemble de boutiques, ou encore améliorer toute une chaîne d’approvisionnement… Les zones géographiques elles-mêmes peuvent être à géométrie variable, des plus modestes aux plus vastes : zone industrielle, zone artisanale, aéroport, centre commercial, quartier d’habitation, chaîne de franchisés, etc. Bref, l’ISO 50009 offre un espace de liberté. « Pour qu’un projet réussisse, précise Sylvie Fernandez, il doit surtout être suffisamment fort pour inciter toutes les parties prenantes à s’engager. »
En favorisant le travail collaboratif, l’ISO 50009 rompt avec l’exercice jusque-là solitaire des organismes en matière de gestion optimisée de l’énergie. « Cette approche pourrait s’avérer cruciale pour la transition énergétique, assure Bertrand Walle. En effet, il va falloir créer plus d’intelligence collective afin d’optimiser, en fonction des besoins, la consommation d’une énergie qui va devenir davantage décarbonée, mais aussi plus intermittente. »