« Trop de normes » : AFNOR démêle le vrai du faux

Le sujet du ras-le-bol normatif est récurrent. À chaque fois, il offre l’opportunité de faire le distinguo entre normes administratives et normes volontaires. Le mouvement initié par les agriculteurs en janvier 2024 n’y échappe pas. Plongez dans l’envers des normes !

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l'envers des normes

« Piquée au vif, AFNOR défend les normes utiles ». Le titre choisi par le quotidien Les Echos dans un article du 15 février est bien choisi : dans la maison des normes volontaires qu’est AFNOR, on s’est senti attaqués durant le mouvement agricole de janvier 2024 qui a vilipendé « l’excès de normes ». Accusées de générer bureaucratie, lourdeur administrative, déconnexion par rapport aux besoins du terrain, surcoûts financiers, contradictions et concurrence déloyale (de la part de pays aux normes moins exigeantes), les normes en ont pris plein la figure. « On marche sur la tête », « C’est le monde à l’envers », « Ces normes qui rendent fous les Français », comme ici dans Var-Matin … Et dans ces moments-là, difficile de demander d’appuyer sur pause pour bien expliquer de quoi on parle !

 

Les normes volontaires, coconstruites par la base

Olivier Peyrat - Sud Radio
Ecoutez les explications d’AFNOR sur Sud-Radio

C’est donc par médias interposés qu’AFNOR a proposé un temps de pédagogie, pour distinguer les normes administratives, celles qui découlent des lois, décrets, arrêtés, directives et règlements, et qui sont ici en cause, des normes volontaires, les « normes utiles » dont parlent Les Echos. Pour sortir de « l’enfer des normes » et montrer « l’envers des normes ».

Des normes « coconstruites par la base » et que cette même base est libre d’appliquer ou pas, comme les a décrites le directeur général d’AFNOR, Olivier Peyrat, dans la matinale de Sud-Radio vendredi 2 février .

La base, ce sont quelque 20 000 experts impliqués dans tous les secteurs de l’économie, comme l’a rappelé le président d’AFNOR, Guy Maugis, dans une tribune publiée le 30 janvier dans le Cercle des Echos et intitulée « Trop de règles oui, trop de normes non ! » Des normes qu’on aimerait bien appeler standards, comme les Anglais, s’il n’y avait pas une toute petite nuance sémantique entre les deux termes, nuance qu’on vous explique dans notre FAQ ici. Quoi qu’il en soit, la normalisation n’est pas la réglementation (voir à nouveau notre FAQ) : à la réglementation le « pourquoi », le cap à suivre ; à la normalisation le « comment », le mode d’emploi et la meilleure manière de faire.

Le monde serait moins simple si le format des cartes bancaires variait

Et à chacune sa recette : « La loi est votée démocratiquement par les représentants du peuple ; la norme est faite consensuellement par les acteurs du marché. La loi fixe la règle ;

la norme recommande les bonnes pratiques. Et ce n’est pas être contre la démocratie que d’affirmer que la deuxième est parfois plus efficace », distingue Franck Lebeugle, le directeur des activités de normalisation d’AFNOR, sur Linkedin .

franck quantique

Avec un résultat clair : loin de semer la confusion, les normes volontaires simplifient la vie. « Si un Français peut utiliser sa carte bancaire à Londres comme à Hong Kong, c’est bien parce qu’ont été définies un certain nombre de normes, comme la taille de la carte, son épaisseur mais aussi les protocoles de traitement des données. Le monde serait moins simple si les tailles des cartes et les lecteurs des distributeurs de billets variaient d’un pays à l’autre ! », explique le président d’AFNOR dans une interview au magazine Challenges en février 2024 (article réservé aux abonnés ).

Masques barrières
Revivez l’histoire du patron de couture pour masques-barrières (©Atelier n° 4)

L’occasion de vous inciter à consulter l’ouvrage 30 histoires hors normes , publié en 2017 chez AFNOR Editions (23,60 euros). Ou de vous replonger dans l’histoire des masques-barrières au début de la pandémie de covid-19 : un collectif de professionnels réunis dans l’enceinte d’AFNOR avait alors conçu un tutoriel pour confectionner des masques grand public, sorte de mini-norme téléchargée un million et demi de fois.

Ou encore d’écouter des entrepreneurs raconter leur découverte du monde des normes volontaires… et de leurs bénéfices pour leur business, comme ici Stéphane Penari , dirigeant fondateur de Métalskin, une société qui a mis au point un revêtement antibactérien. Cet entrepreneur est venu vers la norme car il avait besoin d’une méthode objective et consensuelle pour mesurer l’efficacité de l’action bactéricide. Il l’a trouvée dans la norme NF S90-700, devenue NF ISO 7581 pour qu’à l’international aussi, la méthodologie soit la même : un vrai passeport intercontinental !

Normes administratives : le serpent de mer de la simplification

On vous le concède : il y a sans doute des choses à simplifier dans le monde de la normalisation volontaire. Mais le vrai travail de simplification se trouve du côté des normes réglementaires ! De rapport parlementaire en rapport parlementaire (citons celui de Jean-Claude Boulard et d’Alain Lambert en 2013, et celui du député Louis Margueritte  début 2024), de François Hollande à Bruno Le Maire récemment au profit des PME, nombreuses sont les missions et les personnalités politiques à avoir lancé le chantier.

Stéphane Penari
Ecoutez Stéphane Penari, dirigeant fondateur de Métalskin, parler de sa découverte des normes volontaires.

Tout récemment, même le Premier ministre Gabriel Attal a battu sa coulpe : « A date, le nombre de mots pour dire des normes, sur Légifrance , s’élève à 44,1 millions de mots. C’est pratiquement deux fois plus qu’il y a vingt ans. A tous les échelons, je veux débureaucratiser la France », a-t-il dit lors de son discours de politique général. Avec cette énorme facture : « Ce sont 60 milliards d’euros que nous perdons à cause des démarches et des complexités de notre quotidien. ».
Ecoutez ici  l’émission “Le téléphone sonne” du 7 février 2024 sur France Inter, avec le distinguo entre normes réglementaires et normes volontaires à la 24e minute.

norme agriculture
On compte peu de normes volontaires en agriculture, hormis pour la sécurité du matériel et du machinisme (©AdobeStock)

Au chiffre de 400 000 normes réglementaires souvent cité, sans que la source soit bien précise, nous opposons nos 34 500 normes volontaires et leur volume constant : à nouvelle norme publiée, ancienne norme retirée !

En témoignent nos chiffres du 31 décembre 2023 : 674 nouvelles normes publiées, comme l’excellente ISO/IEC 42001 sur l’intelligence artificielle, et 1 530 retirées, dont 22 % d’entre elles définitivement, les autres cédant leur place à une version actualisée.

Et avec toujours aussi peu de normes rendues d’application obligatoire par la réglementation : environ 500.

On termine par ce clin d’œil au monde agricole, dont on a emprunté les codes du panneau de ville à l’envers pour notre image d’illustration : on dénombre peu de normes volontaires dans l’agriculture à proprement parler. C’est surtout l’aval (transformation, préparation, distribution) qui est concerné, avec notamment la célèbre ISO 22000 sur la sécurité des aliments. Et lorsque les professionnels ont ressenti le besoin d’en écrire, c’est aussi pour protéger les personnes : matériel de pulvérisation, machinisme agricole… Objectif sécurité !